Manger ne peut être réduit à l’action de mettre en bouche et déglutir, le nourrisson active de nombreux sens et ce, depuis sa vie in utero. En effet, lors du repas, de nombreux sens sont sollicités simultanément, ce qui n’est pas une difficulté pour un enfant tout-venant mais peut le devenir pour un enfant présentant un trouble de l'oralité.
"Mon enfant est très sélectif, il ne mange que certains aliments, il refuse les morceaux", "il pleure au moment des repas, il jette tout ce qui est devant lui" ,"il vomit régulièrement", "il n'a pas d'attirance pour les aliments, pas de plaisir à manger", "les repas sont longs, source d'angoisse, de conflit, de colère"...
C'est quoi les troubles de l'oralité ?
Les troubles de l'oralité alimentaire (TOA), ou récemment redéfinis comme troubles alimentaires pédiatriques (TAP)(suite à une concertation d’experts de l’OMS en 2019), sont définis par :
Une altération de l’apport oral qui n’est pas adapté à l’âge et qui est associé à un dysfonctionnement médical, nutritionnel, alimentaire et/ou psychosocial. Une notion de durée a également été établit en caractérisant un trouble qui dure entre 2 semaines et 3 mois d’« aigu » et de « chronique » au-delà de 3 mois.
Les causes des troubles alimentaires pédiatriques sont très diverses, on peut les regrouper en 4 types d'étiologie :
✨Les facteurs médicaux : neurologiques (handicap, encéphalopathie) ; pathologies digestives (allergies, RGO, coliques) ; maladies respiratoires ; malformations ORL (atrésie de l’œsophage) ; troubles neurologiques et troubles neurodéveloppementaux
✨ Les facteurs nutritionnels : limitation des quantités et de la variabilité exposant à un risque de malnutrition, de surnutrition, ou de carences
✨ Les facteurs de compétence alimentaire : altération du fonctionnement sensoriel oral (hypo / hyper-sensorialité, altération du fonctionnement du moteur oral, altération du fonctionnement du moteur pharyngé.
✨ Les facteurs psychosociaux / comportementaux / environnementaux : trouble développemental, problèmes de santé mentale et difficultés comportementales de l’enfant impactant sa relation avec le parent, influences sociales, facteurs environnementaux conduisant à l’aggravation des troubles alimentaires
Les chiffres
Plusieurs études s’accordent pour dire que les difficultés d’alimentation sont très répandues chez la population pédiatrique puisqu’elles concernent environ 25% à 50% des enfants. Elles sont le plus souvent transitoires et, pour la plupart d'entre elles, un retour à la normale peut être observé sans intervention. Cependant, chez 3% à 10% des enfants, des troubles alimentaires pédiatriques multifactoriels pourront persister, et induire un ralentissement de la croissance ou encore des conséquences médicales ou développementales.
Il est à noter que cette prévalence augmente jusqu’à 80% en cas de trouble du neurodéveloppement, en particulier pour le trouble du spectre de l’autisme.
Comment les repérer ?
Plusieurs marqueurs peuvent indiquer que votre enfant pourrait présenter un trouble de l’oralité : difficultés ou refus de téter, endormissement pendant la tétée, absence ou faible exploration orale, réflexes nauséeux très fréquents, nausées/vomissements, manque d’appétit, lenteur et problèmes de comportement durant le repas, difficultés lors du passage aux morceaux (diversification), mise en place de stratégies aux repas (mouvement d’évitement), faible prise de poids, absence de curiosité / plaisir alimentaire, panel alimentaire restreint à moins de 20 aliments, présence d’hypersensibilités (tactile par exemple).
Qui consulter en cas de suspicion d'un TOA ?
Si ces signes font échos à une situation que vous vivez avec votre enfant, ne tardez pas à en parler à votre pédiatre ou médecin référent. Plus ces troubles sont pris en charge tôt, moins il y a de chance que des complications apparaissent.
Différents professionnels de santé peuvent être spécialisés dans ces troubles : les orthophonistes, les pédiatres / gastro-pédiatres, les ORL, les diététicien/ne, les ergothérapeutes , les psychomotricien/nes, les kinésithérapeutes, les psychologues, ...
Quelle est le rôle d'une diététicienne pédiatrique spécialisée dans l'accompagnement des TOA ?
Lors de la première consultation, la diététicienne fait un état des lieux :
👉 du mode de vie familial
👉 du développement staturo-pondéral de l’enfant
👉 de l’histoire alimentaire depuis sa naissance
Un bilan nutritionnel précis (recueil des apports alimentaires) sera comparé aux besoins nutritionnels de l’enfant dans le but de repérer de potentielles carences nutritionnelles.
Permet également de repérer des problèmes de santé issus ou liés aux troubles de l’oralité : constipation, allergies ou intolérances alimentaires, faible prise de poids, reflux…
Par la suite un accompagnement personnalisé pourra être proposé en fonction des besoins, afin par exemple :
✨ d'apporter des idées pour enrichir les repas, à partir de ce que l'enfant accepte de consommer
✨ d’accompagner les parents sur l'adaptation des textures (recettes adaptées)
✨ une écoute active des familles et propositions d’actions afin de rendre les repas plus sereins
✨ faire tomber les fausses croyances
✨ permettre un élargissement progressif du panel alimentaire de l'enfant, en collaboration avec l'orthophoniste qui le suit
✨propositions hygiéno-diététique pour diminuer les troubles digestifs (reflux, nausées, vomissements, constipation, ...)
✨aider à la rédaction d’un PAI
L'oralité est un apprentissage qui nécessite de stimuler tous les sens de l'enfant dès son plus jeune âge : bercer, danser , porter, masser, câliner, chanter des chanson, lire et regarder des livres, jouer. Partagez du temps avec votre enfant 💜
REFERENCES
Goday PS, Huh SY, Silverman A, et al. Pediatric Feeding Disorder: Consensus Definition and Conceptual Framework. J Pediatr Gastroenterol Nutr. 2019
Léna Tuffereau. Prise en soins des troubles alimentaires pédiatriques : création d’un protocole d’accompagnement parental axé sur l’alimentation autonome ; étude de cas multiples. Médecine humaine et pathologie. 2023. dumas-04170045
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